Carnet de notes

Publié le

appartenant à

Mr Pinon Albert

cultivateur à Charmoy

par Billy sur Oisy

Nièvre

actuellement Caporal

au 61ème territoriale

2ème Compagnie

Cosne Nièvre

Ils-sur-Tille 21 août 1914. 19ème jour de mobilisation

Je tiens à noter sur ce carnet tout ce que j'ai vu et entendu moi-même, ce qui m'a semblé attrayant et remarquable, en un mot toutes les impressions que j'ai ressenties au cours de cette campagne 1914.

Tout ceci pour cette raison qu'il m'est impossible de communiquer toutes ces choses à ceux qui me sont chers, et pour pouvoir garder un souvenir exact des choses passées.

Je commence peut-être un peu tard, je tâcherai d'avoir de la mémoire pour ces 19 jours déjà passés.

Parti de Charmoy le lundi 3 août prendre le train à Billy pour 6 heures du matin, nous nous trouvons 5 du village qui partent à la même heure: Armand Derruiduez, Dufour Marcel, Maurice Pautrat, René Cabas, et moi.

Nous marchons sans aucune émotion, comme si on était certain d'un retour peu éloigné, bien qu'on eut fait des adieux bien touchants à tous les siens, aux parents et amis, et tout naturellement c'est le coeur serré et des larmes dans les yeux que l'on quitte la dernière maison, mais un kilomètre après, tous ces sentiments sont dissipés.

On arrive à la gare où on se rassemble une centaine avant l'arrivée du train, chacun devise à sa façon sur la guerre qui commence, tout le monde est unanime à en rendre responsable "l'exécrable Guillaume II" et sur son nom se réunissent toutes les imprécations de tous les individus sans exception; ce sentiment de haine contre l'empereur d'Allemagne a toujours été le même partout et par tous jusqu'à aujourd'hui 21 août.

Une remarque qui a sauté aux yeux de tous, c'est que pas une reculade n'a été signalée, tout le monde s'est fait un devoir de partir à l'heure indiquée sur le fascicule.

Au départ du train, les femmes qui accompagnaient leur mari ont des soupirs irrésistibles, malgré toutes les recommandations, quelques unes pleurent abondamment, tous les hommes montent dans le train sans mot dire. Après avoir passé Etais, on entend partout fredonner des chansons. Après avoir passé Entrains, le train est déjà bondé de monde sur toute le parcours, on est salué par les vivats des populations, toutes les femmes et les enfants agitent les mouchoirs. Je me trouve avec Leplat Paul, on est versé à la même compagnie, on promet de ne pas se quitter.

Dans la ville de Cosne, ce n'est qu'un va et vient de réservistes, les rues en sont pour ainsi dire encombrées d'un bout à l'autre et cela pendant toute la journée et toute la nuit et encore les jours suivants. D'après certains ouï-dire, il devait arriver à Cosne 37000 réservistes.

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